Discours d'Agnès Langevine - Journée communauté de travail "Eviter, Réduire, Compenser en Occitanie"

Le Séminaire "Éviter Réduire Compenser en Occitanie" a réuni 230 personnes parties prenantes de la communauté de travail ERC (CrERCo) co-animée par l’État et la Région. Merci à tou.te.s les contributeurs.trices avec une mention spéciale pour le sénateur Ronan Dantec, venu présenter les conclusions de la Commission d'enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures, intégrant les mesures d'anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi

 

J'ai le plaisir de vous accueillir aujourd'hui au séminaire sur la séquence « Éviter Réduire Compenser en Occitanie ».

Comme vous le savez, cette séquence, introduite en droit français dès 1976, a été renforcée par la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (2016) ainsi que par l'ordonnance sur l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes.

 

Il s'agit, en termes simples, d'éviter les atteintes à l'environnement, de réduire celles qui n'ont pu être suffisamment évitées et de compenser, en dernier ressort, les effets notables qui n'ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits.

Nous sommes toutes et tous ici conscients de l'état très préoccupant de la biodiversité ainsi que de l'accélération du réchauffement climatique.

Ce constat de l'effondrement de la biodiversité et de l'érosion de la qualité des sols s'appuie sur des données robustes, capables de tracer la triste évolution dressée par les cinq derniers rapports d'experts publiés par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dont je vous rappelle les derniers chiffres : depuis 10 ans en Europe et Asie centrale, 42% des animaux et plantes terrestres, 71% des poissons et 60% des amphibiens voient leurs populations décliner. Dans nos campagnes, nous assistons à une disparition massive des oiseaux.

Pour les espèces et habitats d'intérêt communautaire, leur état de conservation est faible : seulement 1 espèce sur 4 et 1 habitat sur 5 sont en bon état écologique. Les tendances négatives sont supérieures aux tendances positives ( je pense au retour des rapaces) et ceux sont les écosystèmes marins, humides, littoraux et aquatiques qui souffrent le plus.

 

Et si l'urgence est majeure pour protéger la biodiversité, c'est désormais une question de survie, n'oublions pas que la séquence ERC ne se cantonne pas à la seule biodiversité. La séquence doit prendre en compte l'ensemble des champs définis dans le code de l'environnement à savoir le sol, l'eau, l'air, le climat, les nuisances, le paysage, le cadre de vie … Bref, tous ces aspects doivent être intégrés le plus tôt possible dans la conception du projet.

 

Revenons à l'intitulé du séminaire « Éviter Réduire Compenser en Occitanie » qui m'a d'abord interpellée sur une possible spécificité régionale de la mise en œuvre du triptyque et si oui, quelle en serait la nature, les caractéristiques.

Car en effet, on peut entendre le « en » à la fois comme une préposition de lieu mais aussi comme une préposition de moyen.

 

C'est sur cette double entrée, de lieu au sens du territoire et de son extraordinaire biodiversité - soumise vous le savez à de très fortes pressions démographiques - ( + 50000 hab/an = 600m2 artificialisés/hab) et de moyen, au sens de la doctrine, de la gouvernance et de la stratégie, qu'il vous est proposé aujourd'hui d'échanger, dans la continuité des groupes de travail mobilisés au sein de la communauté CRERCO, co-animée par l’État et la Région.

 

C'est sur la base de votre mobilisation, de vos expertises, de vos pratiques que nous pourrons faire de la Région Occitanie un exemple vertueux et innovant de la séquence ERC. La Région y prendra toute sa part et responsabilité, en exerçant bien sûr pleinement ses chefs de filât biodiversité et énergie-air-climat mais aussi en appliquant le triptyque ERC à ses propres aménagements (je pense c'est d'actualité au projet d'agrandissement du Port de Port la Nouvelle), aux impacts des différentes politiques sectorielles (agricoles, transports, tourisme , développement économique …) et planifications en cours.

 

Je sais qu'une grande part des débats se cristallise sur le dernier terme, la compensation. Il est vrai que beaucoup de clarification restent à apporter et de questions éthiques à débattre.

 

Mais je voudrais vraiment attirer l'attention des élus et décideurs sur le 1er terme de la séquence, celui de l'évitement, car il est vrai que le renoncement n'est que rarement associé à une qualité en politique, il est même souvent qualifié de lâcheté ou faiblesse – en témoigne l'opération de communication menée hier à NDDL et les violences générées.

Pourtant, l'alerte des scientifiques est sans appel : la capacité de résilience de nos territoires et la survie de la planète passeront aussi et surtout par notre intelligence collective à renoncer, pas à tout bien sûr, mais à la voracité de nos modèles."

 

Agnès LANGEVINE

Vice-Présidente en charge de la Transition Écologique et énergétique, Biodiversité, Économie Circulaire, Déchets