Assemblée Plénière du 18 Janvier 2016 : Intervention de Gérard ONESTA - Modification du Règlement Intérieur du Conseil Régional

Madame la Présidente, Chers collègues,

 

Je vous remercie de la confiance que vous me faites puisque quand notre Assemblée aura commencé à fonctionner normalement, il y aura des rapporteurs désignés dans les Commissions, mais pour l'instant les Commissions ne s'étant pas réunies, je suis sensible au fait que vous m'ayez permis de travailler sur cet important dossier. Nous aurions pu faire cela tranquillement, dans quelques mois, puisque la loi nous permettait d'attendre quelques mois pour écrire notre nouveau Règlement intérieur. Nous aurions pu nous contenter d'un simple toilettage  en  remplaçant, ici et là, des textes de loi qui ont été modifiés depuis.

Mais nous avons voulu en faire un vrai marqueur politique. Vous savez qu'un marqueur politique, cela se fait tout de suite, en début de mandat et s'agissant de ce texte, qui peut paraître un petit peu aride, je vous rassure, sa structure est appelée à être revue, parce que pour l'instant c'est l'empilement de près de trois décennies d'ajouts, d'amendements sur un texte qui a beaucoup évolué et la structure actuelle -je pense que tout le monde en est conscient- est un simple défi au bon sens. Il faudra donc, dans les mois à venir, restructurer ce texte afin d'y retrouver très rapidement les éléments que l'on cherche.

Mais nous avons voulu tout de suite mettre des éléments extrêmement novateurs dans ce document qui n'est pas que juridique, qui est un vrai marqueur politique.

En fait, ce sont trois défis que nous avons voulu mettre dans ce document.

Le premier défi, chers collègues, c'est un défi à nous-mêmes, puisque nous voulons essayer de faire évoluer la pratique même de notre Assemblée.

C'est vrai qu'en France, les Collectivités territoriales fonctionnent très souvent avec un Exécutif qui est omnipotent et une Assemblée délibérante qui court parfois un peu derrière.

Nous avons voulu rééquilibrer les choses en permettant aux 142 d'entre nous -je dis bien 142, quel que soit leur groupe- qui ne sont pas parmi les 16 de l'Exécutif qui siègent en majesté juste derrière moi, de pouvoir également pleinement travailler, proposer, rédiger et permettre que nos votes soient enrichis des apports de plusieurs sources.

Pour cela, nous avons voulu revaloriser le travail des Commissions; les Commissions qui recevront les documents non pas -comme cela a parfois été le cas- la veille ou l'avant-veille, mais dix jours avant.

Avec également une pratique d'amendements qui va devenir la règle de base, alors que c'était l'exception. Je ne sais comment cela fonctionnait en Languedoc-Roussillon, mais en Midi- Pyrénées il y a des Commissions qui, dans le mandat précédent, ont eu un total d'amendements égal à zéro. Ce n'est pas normal; en politique, on doit toujours pouvoir réinterroger et essayer d'améliorer les choses en conscience et de bonne foi. Donc un mécanisme d'amendements.

Un mécanisme de rapporteurs également, de rapporteurs pour la majorité, mais de rapporteurs critiques, y compris pour des groupes dont le rapporteur ne serait pas issu de la majorité.

Donc également un rôle nouveau donné à l'opposition pour, de manière formelle, pouvoir nourrir la réflexion ou la contre-réflexion de notre Assemblée.

Ces Commissions seront également réunies, à travers leur présidence, dans une Conférence des Présidents de Commission qui aura pour objet, non seulement de bien répartir les rapports -quelle est la Commission compétente sur le fond, quelles sont les Commissions compétentes pour avis-, mais également de planifier de manière beaucoup plus transversale les travaux de l'Assemblée sur l'année qui vient, ce qui permettra éventuellement de faire surgir des rapports d'initiative, qui viendraient donc des Commissions elles-mêmes, en voulant essayer d'explorer telle ou telle possibilité d'action pour notre Collectivité.

 

Les Commissions pourront également, d'une manière beaucoup plus forte que cela n'a été le cas jusqu'à maintenant, nourrir leurs propres ordres du jour, notamment à travers des auditions de personnalités dont la Commission jugerait opportun d'avoir un éclairage pour ses propres travaux.

La Conférence des Présidents de groupes est également revalorisée, puisque tous les groupes -et là, c'est à la proportionnelle stricte- pèseront en fonction du nombre de sièges que représente leur Président(e) ou co-Président(e), avec notamment un rôle dans l'élaboration du contenu même des ordres du jour, que ce soit en Commission permanente et en Assemblée plénière.

Pour faire tout cela, il fallait un organe dédié à "mettre de l'huile" dans tous ces rouages-là, peut-être en inventant des rouages supplémentaires si cela s'avérait nécessaire et c'est ce Bureau de l'Assemblée qui sera proposé tout à l'heure à vos suffrages.

C'est le premier défi, il est au sein même de l'Assemblée.

Mais nous avons voulu relever deux autres défis.

Nous avons tous fait campagne sur des thèmes souvent très différents, sur des postures parfois extrêmement antagonistes, mais je crois que tout le monde est conscient que notre Région a besoin de relever le défi que Carole DEGLA appelle très joliment le défi de la "République des territoires". Nous savons qu'il y a des territoires, des bassins de vie qui sont souvent marginalisés parce que très peu peuplés et ici, dans cette Assemblée, ils sont peu représentés puisque vous savez que c'est la règle de la démographie qui fait la composition de notre Assemblée.

Les deux grandes métropoles fournissent largement nos rangs, tandis que des bassins de vie sont vraiment très peu représentés. L'idée est donc de donner une voix spécifique à ces bassins de vie là.

Alors, nous avons déjà organisé par le passé des conférences sur une thématique ou une autre, qui duraient une demi-journée et qui étaient rapidement oubliées.

Là, par la création d'une Assemblée des territoires beaucoup plus pérenne, ce serait en permanence que ces territoires-là pourraient interpeller notre Assemblée sur les thématiques de leur choix, et non pas de manière monothématique. Un ensemble de 158 élus, bien évidemment extérieurs à notre Assemblée, déjà élus dans leurs Collectivités, donc cela ne coûtera pas un centime de plus et -c'est très important- le plus petit bassin de vie aurait le même nombre d'élus que la métropole la plus peuplée. Donc un rééquilibrage qui permettrait "aux plus petits" -ne voyez rien de péjoratif dans le mot "petits", c'est simplement qu'ils sont moins peuplés- de se faire entendre, notamment pour souligner que les services publics doivent être protégés.

Ce qui est important également, c'est que non seulement cette Assemblée pourra s'exprimer, mais que son expression arrivera jusque dans notre hémicycle puisque, Madame la Présidente s'y est engagée publiquement, les propositions de cette Assemblée des territoires seront soumises au vote quand elles toucheront les grands sujets de notre ordre du jour; je pense notamment aux grands schémas prescriptifs que vont devenir le schéma sur le développement économique ou le schéma sur l'aménagement du territoire. Bien évidemment, c'est notre Assemblée qui sera souveraine, mais le fait même que les plus petits territoires auront une porte d'entrée pour se faire entendre dans cet hémicycle éminent est, je pense, un vrai signal politique.

Troisième et dernier défi -mais ce n'est pas pour autant qu'il est le moins important- : le défi citoyen.

Nous nous sommes tous rendu compte à quel point on nous demande de réinventer le lien entre la politique et le citoyen. Nous sommes les représentants d'une démocratie délibérative parfaitement respectable et je pense que nous pouvons être fiers du rôle que nous jouons, mais une autre forme de démocratie participative mérite d'être revalorisée et là également, nous serons amenés dans les mois qui viennent, à travers les propositions que pourra faire le Bureau de l'Assemblée, à travailler sur une boîte à outils qui pourra aller du budget participatif, en commençant par exemple par une partie des budgets qui sont alloués à nos lycées, à des commissions thématiques citoyennes, à une évaluation publique des politiques que nous aurons à mener, à des décisions qui seront mieux concertées lors de grands aménagements.

Cela peut aller jusqu'au référendum concernant les personnes intéressées et le premier référendum, annoncé par Madame la Présidente, portera -avant le mois de juin- sur le nom de notre nouvelle Région.

Cela peut également aller jusqu'à l'interpellation de notre propre Assemblée pour nourrir son ordre du jour à travers des pétitions.

La boîte à outils restera à définir en commun, mais c'est pour vous montrer à quel point nous mettons la barre haut. Nous n'avons pas peur de relever ce tripe défi, qui est donc celui de :

- réinventer nos pratiques au sein de l'Assemblée,

- réinventer notre lien avec les territoires, notamment avec les plus fragiles,

- et réinventer un lien en direction de nos citoyens.

Et bien évidemment, pour compléter tout cela, dans le document soumis à vos votes, il a également fallu faire évoluer nos pratiques, même si la démocratie est un Graal et que le Graal est difficile à atteindre !

Par exemple, en termes d'assiduité, nous avons beaucoup travaillé -comme l'a dit Carole DELGA tout à l'heure- pour qu'un élu qui travaille soit bien évidemment correctement indemnisé, mais qu'un élu qui, par inadvertance, oublierait de venir siéger dans les organes dans lesquels il s'inscrit, soit sanctionné, avec une grille très fine qui permettra à chacun, sur 12 mois lissés, de voir où il en est et s'il tient les engagements qu'il a pris vis-à-vis de ses électeurs.

Tout cela est certainement perfectible, tout cela sera certainement appelé à être réévalué dans les mois qui viennent, tout cela … Je vais vous dire mon sentiment : donnons-nous le droit à l'erreur.

Certainement que dans tout ce qui vous est proposé aujourd'hui, des mécanismes auront besoin d'être améliorés, nous procéderons certainement par tâtonnements, mais nous pourrons dire fièrement à l'ensemble de nos électrices et de nos électeurs que nous avons entendu le message et que nous avons décidé d'essayer de faire bouger les choses.

Vous savez que beaucoup, en France, observent ce que nous sommes en train de faire à travers ce Règlement, qui est vécu comme un laboratoire politique, quelque chose qui permettra certainement à notre démocratie d'être refondée.

Je vous invite simplement à ce que nous soyons à la hauteur de ce triple défi.

Je vous remercie.