Quand le hasard du tirage au sort vous désigne dernier orateur d’un dossier que vous avez porté si longtemps, il reste peu à dire. Peu à dire et pourtant encore tant à exprimer.
Exprimer d’abord un vrai regret, celui de ne pas avoir su convaincre qu’il fallait mieux valoriser l’apport de la Catalogne. Même si les références – désormais permanentes – à la Méditerranée et aux Pyrénées qui viendront enrichir notre nom régional soulignent qu’il n’y a guère, par chez nous, qu’un seul territoire où – comme dis le poète – la mer vient donner à la montagne un long baiser salé. Car pour l’Albigeois que je suis, la plage de Sète chère à Brassens est bien loin, et mes montagnes ne sont pas que pyrénéennes…
Mais ces références à nos neiges et à nos embruns – aussi fortes soient elles et saluées par les acteurs du monde économique – ces références qui précisent utilement aussi quelle modeste part de l’Occitanie (Monsieur Rousset) nous définissons comme notre – ces références n’épuisent pas le sujet catalan. Oui nous maintiendrons – aux côtés de la bannière ornée de la croix du Languedoc – la Senyera catalane, un des plus vieux drapeaux du monde. Oui, il y aura les griffes sang et or sur notre logo et des panneaux dédiés sur les routes du Roussillon, de la Cerdagne, du Conflent ou du Capcir. Oui, il y a aura enfin un office public dédié à la langue, belle et rebelle, de Lluís Llach. Mais les Catalans ont également le DROIT de voir LEUR territoire porter LEUR nom. Cela passe, nous le savons tous, par l’évolution rapide du nom du département de ceux qui ne sont jamais appelés les orientalo-pyrénéens, et aussi par la modification du nom de notre eurorégion en « Occitanie Catalogne » avec Perpignan pour centre opérationnel. Oui, pour donner à l’inestimable apport de la culture catalane toute sa visibilité, le combat ne fait que commencer.
Fins aviat Catalunya !
Peu à dire et pourtant encore tant à exprimer.
Exprimer de l’impatience d’entendre bientôt, au hasard d’un banal bulletin météo, parler du beau temps sur l’Occitanie, ou dans un simple compte rendu sportif rappeler que L’Occitanie est définitivement ovale (même si ce soir, clin d’œil improbable de l’actualité) la capitale du rugby est catalane…
Encore tant à exprimer.
De la joie bien sûr. Et à l’état brut. De la joie de voir qu’une culture millénaire qui peut se vanter d’avoir le dictionnaire le plus épais au monde – culture qui ensemencé l’Europe – soit reconnue alors qu’elle fut si longtemps méprisée. En ce jour, par notre vote nous le disons solennellement : la vergogna, c’est terminé !
Encore tant à exprimer.
Exprimer l’émotion de constater que c’est la jeunesse de notre région (notre Présidente l’a rappelé) qui a massivement, fait le succès du choix Occitanie. Il faut croire que de façon confuse, ce mot incarne bien plus que le savoir faire, la qualité, l’authenticité et l’humanisme, autant de valeurs qu’on su capter des milliers de nos entreprises jusque dans leur raison sociale. Ce mot porte visiblement aussi en lui un vrai élan vital.
Balayés toutes les peurs et tous les fantasmes. Aujourd’hui, la voix de notre jeunesse nous le dit, au travers des valeurs aussi essentielles que le Paratge (je te reconnais comme mon égal) et la Convivéncia (l’art de vivre ensemble), ce n’est pas l’indépendance, mais la plus que jamais nécessaire interdépendance que le mot Occitanie proclame à la face du monde.
Pour la première fois dans la vie d’une collectivité territoriale, nous avons là une délibération co-écrite par 203 993 mains citoyennes. Et tout ces gens constatent à cette heure, et pour certains avec une immense surprise tant ils en avaient perdu l’habitude, que nous les respectons.
Oui, un nom s’est clairement dégagé, et notre Présidente a su, au travers d’une concertation complémentaire dont je veux ici saluer la qualité, ajouter deux termes fédérateurs évidents. La démocratie représentative que nous incarnons doit être sereine. Elle ne doit jamais se sentir contrainte, mais plutôt enrichie par la démocratie participative, et même honorée de sa confiance.
Mesdames Messieurs, au-delà de nos différences, le moment que nous vivons renvoie à l’intime. Il est précieux, car il est extrêmement rare, dans toute une vie politique de laisser une trace dans l’Histoire. Ne laissez pas passer cette chance de pouvoir dire « un jour j’ai inscrit un si joli nom sur la carte du monde ».
Visca Occitània !